Tout change mais rien ne s'oublie

Ni le goût de sang de tes lèvres,
Ni le goût de miel de tes seins.

Tu étais fille d'Inca, Vierge du Soleil,
Indienne dorée à la chaleur du Pérou.
Je sens encore dans mon pénible sommeil,
sur mon ventre la brûlure de tes doigts fous.

Amazone de glace aux yeux vif-argent,
Au corps d'albâtre de Walkyrie boréale.
Aux caresses sans suite, torrides pourtant,
Et tes regards pénétrants comme l'eau régale.

Ni le goût de sang de tes lèvres,
Ni le goût de miel de tes seins.

J'étais fou de toi comme on peut l'être à cet âge,
Quand aux portes du monde on hésite et l'on bout.
Quand nos rêves sont pleins de savants effeuillages,
Mais un seul mot de femme et nous voilà fin soûl.

Aujourd'hui j'ai bien changé, je suis fatigué.
La vie s'enfuit, et tout finit par finir.
J'ai appris ton mariage, j'ai cru trépasser,
Mais tu es si belle, je me remets à rire.
…/…

 

 

Ni le goût de sang de tes lèvres,
Ni le goût de miel de tes seins.

Tu étais reine de l'atlas, princesse Maure
La peau velours ambré des filles du désert.
La vie était douce sous ton ciel incolore,
Et l'amour occupait nos destins de misère.

Poupée du Baïkal, Lorelei du bord du Rhin,
Toutes les nuits étaient la Nuit de Walpurgis.
Icône d'opaline, de feu et d'airain,
Toutes nos nuits faisaient insulte au Saint Office.

Ni le goût de sang de tes lèvres,
Ni le goût de miel de tes seins.

Ni le goût de sel que tout ça m'a laissé.

 

Olivier Dufays