Le cri des mousses Danielle Feniou
Vagues dans l'océan
de l'espace
Plis où déferlent
les vies invisibles
Au profond
des flux
le vide s'enlumine
de feux essentiels* Voyage de la voix
sur les feuilles des mots
Le vent chasse
les pages brunesSur le désert d'herbe
mes prières englouties.* Le bruit de fond du ciel perce l'espace
Autour des soleils
le temps s'allonge
les heures passent
L'ombre est lumière
le vide non vide
Dans la nuit
le miracle du sablier
sans cesse retourné.* En myriade les étoiles
tissent leur toile
de grain en grain
Vers quel grenier du ciel
vers quel effondrementAu bord d'un nud
s'arrêter
Les yeux mi-clos
dans la plénitude
du vide plonger.* Mains en lambeaux
arrachées aux nuds
des écorces vives
Rien ne perce encore
de la sève intérieure
Il reste à
dissoudre le sang
des caresses
l'eau des saisons
à mêler le souffle
des âmes au cur
de l'arbre.* Aux entrailles
du silence
enfouir son visageDes cendres
ne renaît pas
le bois des motsSur quels feux
construire l'être ?* Pas de messager
ce soir pour fendre
l'eau des mots
l'air immobileLe tonnerre abrite
gerbes de feu
cascades sombresDéfier le
rire grave
des nuages.* Le visage réserve les mots
l'ombre hante les lèvresLe silence à la grille
de l'âme
la peau absorbe le cri
des doigts.* Tu ne connais pas
l'eau courante
des rivières
La brume t'enveloppe
de l'écran de la peur
Tu restes dans l'ombreErrance démission Lève le visage
vers le ciel tends
la cime de l'esprit
déplie l'âme
dans le flux de la vie
dans l'océan de la voie.* Collier
de larmes
aiguilles furtives
s'égouttent
aux sillons
de mes rideschaos des mots
odeur des fers
qui me traversent.* L'odeur de l'ombre
monte des entrailles
Sur les lèvres se figent
les mots du vide
les limites du silenceFranchir la barrière
boire
la rosée du soleil .*
Le feu de vie se retire
d'une eau sans marée
Flamme à l'étaleL'air vide
Bulles sous le sable
asphyxie annoncéeLa lumière faiblit
le vent brouille le miroir
des vagues.* Un vent de larmes
s'est posé
sur l'herbe geléeAttendre
le baiser du soleil
laisser couler
les heures du jourDemain
le vent sera caresse
corps de chairLe poids d'une flamme*. * Eno poète japonais
* Bulles
à la surface de la rivière
Larges courants
tapis sous le flot
de l'espritL'âme regarde
la consciencedéposée. * Long est le chemin long efforts illusoires avancées dérisoires Les pas s'allongent sur la voie Impossible combat contre le feu qui embrase tout l'être Difficile détachement. * Au fond du vase
les pierres des tensions
infranchissablesles pas trébuchants les fleurs, le vase, les cailloux
sur la table des rakususoffrande L'encens en délivrance * L'eau vive
emporte les bulles
des doutesLe soleil
répand sa fascination
sur le miroir des pierresSe couche mon âme-corps
dans les herbes d'eau
Se froisse ma peau
végétale parmi les menthesSuave est alors le souffle
qui désaltère.* J' avais emporté
l'eau de lumière
le bouton de rose
vers d'autres collines
vers d'autres âtresAvec le pleur du bois
dans la cendre
il disait l'attente
sans attente
la pensée juste.* Dans un autre espace
par une autre porte
je venais à toiLa graine des heures
flottait en silenceblanc sans regard
ni voixA la lisière du vide
où pourrait se poser
la poussière ?* De quel infini viens-tu
laboureur des motsFlamme
dans l'herbe sèche
tu étanches les sources
tisonnes le videQuelle germination
sur le soc du temps ?* L'il de la lune
baigne la nuit
le feu du cri
embrase la terreQuelle est la couleur du vent ? * Claire, l'âme brille
au matin du regardLe silence parle
avec la voix
d'un chemin
qui s'entrouvreQuel est ici
le secret ?* La rafale
a courbé les branches
et froissé les feuilles
de l'arbreLe vent
a tourné son pas
plus loin.* Un fil de soie
s'est posé
sur l'herbe gelée
Une ombre gît
parmi les pierres.* Echo des âmes
chargées de secrets
De la pierre
a germé
la voix du vent.* La pierre ne peut se fendre
sous l'orage
Les éclairs se taisent
Le tonnerre illumine
l'ombreUn souffle déplie les nuages. * Nous
au replis du ciel
au centre de la toileResterons
hors l'espace
hors la voix
au delà des mondes
reliésCertainement
silencieux
perdus
solitairesEn contact Du jour à la nuit allégorique
invisible fusion de lumière.* Le grand fil blanc fend l'air La terre refuse ses exhalaisons l'espace est plat
plein vide à la foisLa fleur blanche du ciel
se faneRetour à la gravité. * Nuages qui passent
devant la luneEtre ce vent
ou goutte de rosée
Ne contenir que
le clair de lune.* Souffle
qui se fracasse sur ta fenêtre
vent qui harcèle ton volet
feuille perdue sous le rideau
frisson voix du poème
brume
que revêt ton corps.* Se perd la lumière Le vide perce
la matière sombre
puits noirsSe dissolvent les feux Les flux dévorent
les astres
Trous obscurs
néants de métalSe libèrent d'ultimes collisions E-toiles blanches.
Le cri des mousses C'est au matin
qu'il s'éveille
nappé de brouillard
incrusté d'or
De son cri naissent
les mousses. Il court
s'affaire dans la roséeSur le désert blanc
il ne cueille pas
les fleurs de sel.* L'oiseau du matin
est goutte de rosée
arc bleu de lumièreDans l'assise
suivre son vol
s'ouvrir aux
sources du ciel.* La lune
traverse
le pinAinsi l'âme
s'étire-t-elle
aux confins
des astresTrajet
immuable
que rien n'altère
Pas même
le pin
ni ses questionsLe vent les emporte
sur la rosée
des nuitsPerles brillantes. * Elle parla
aux montagnesSur les rochers
elle coucha les motsA la pierre elle livra
le feu qui brûlaitSeul le vent lirait
la brume serait un linceulElle put s'asseoir. * Dans l'herbe verte
la source brille
Pure
la lumière.* Pure la lumière
qui répond au gongBoire l'eau d'amour
le chant de vie
Réduire à l'essence
les lêvres jointes
à l'épure
les corpsEn unité observer
le silence et le ciel
immense.* Sous le ciel immense
se pose le regard
L'esprit est vaste
le souffle léger
les pensées passentLa source ouvre la voie
le pin murmure
éternelSilence de l'assise Etre simplement. * Etre simplement
assise à ton côté
Regarder ta main
sur le trajet des mots
Entendre le signe
qui te traverse
suivre ton regard
entre plexus et âme
Sur les lêvres
une aurore baignée
de rosée
un frémissant ici et maintenant.* Ici et maintenant
j'écoute la voix
des bambous
le bruit de la rosée
monte l'émotion
de l'encens
le vent traverse
l'assise des mousses
Près des pierres
je me tiens.* Se tenir
dans le souffle
des branches
des aiguilles
du pin
dans les écailles
de l'écorce
dans la viridité
l'éternité.* Eternité de la voûte
lumineuse obscurité
sur nous déversée
Puissance qui
allume le vouloir
décide le geste
Pérenne l'être.* Se désenliser
voyager sur les
moments vastes
sauter de pierre
en pierre
Choisir le difficile
la non-peur
libre dans l'océan
de la vieAimer dans
la nuit qui s'ouvre.* La foudre sur le pin
la brûlure
la déchirure
la sentence
Pas d'oraison
la béance
Suinte la mortLe pin n'est pas
éternel.* Désapprendre à dire
les mots inutiles
au bord des dentsRefouler le non-né
vers l'abîme de la gorgeEtouffer dans le feu
le flux et le refluxVomir
toutes braises
éteintes.* La porte de feu
infranchissable
dans la ténèbreBarrière sur la voie. * Regarde à la porte
du silence
le trajet du feuau profond des fibres
la signature du cril'embrasement du corps Non in murmuré.