Ardeal
(à ma grand-mère)


La vue immense, profonde et bleue
apaise la vieillesse des croix
dans le petit cimetière.

Les rayons fatigués caressent
les branches envahies de rousseur
les buissons jaunis, à l'âge mûr.

J'entends résonner tes mots
dans mes souvenirs d'été.
" Faisons le foin ! ",
ce calme qui menace
appelant l'orage
nous presse.

L'oiseau descend doucement
comme la prière
que tu m'appris jadis.

Oui, le chant des grillons
mes amis d'enfance,
je les entends…

Il me reste
les images en mémoire
comme ces jours infinis d'automne.

*

 

Insomnie


exister par ses souvenirs
allonger les jours à l'infini
ne pas vouloir mourir
plongé dans le sommeil
doux
tellement doux
suspect d'être trop doux
garder ses souvenirs
cumuler jour après nuit
toute bribe d'image
d'odeur, de sensation
exister
tant pis cette folle insomnie
faisant fondre goutte après goutte
la vie.

 

*

 

l'idée
comme le pain chaud
émane des vapeurs
pleins

pétrie dans l'ovale de la parole
façonnée aux nuits de rêves
cuit au feu de la pensée

l'idée
comme le pain chaud
émane des vapeurs
de satiété.

 


Victoria Barret